13ème dimanche du Temps ordinaire (Mc 5, 21-43) « C’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le
monde », l’auteur du livre de la Sagesse n’y va pas par quatre chemins. Il
désigne on ne peut plus clairement la source de tous nos maux : la
jalousie ou l’envie. Et l’auteur ajoute : « Ils en font
l’expérience, ceux qui prennent parti pour lui ». En préparant cette
homélie, j’ai relu une petite histoire racontée par Saint Vincent
Ferrier sur le sujet : « Dans une ville vivaient deux
hommes de bonne condition. L’un était envieux l’autre avare, et ils étaient
réputés pour cela. Le roi de cette ville pensa : ‘Je vais leur donner une
leçon.’ Et il les convoqua. ‘Hommes d’honneur, dit le roi, je voudrais vous
remercier pour vos services rendus. Demandez-moi ce que vous voudrez. Sachez
simplement que le dernier qui parlera aura le double de l’autre.’ L’envieux se
tourna vers son compère pour lui dire : ‘Parlez, vous êtes le plus
âgé !’ L’avare répondit : ‘Non je vous en prie, vous êtes de plus haut
lignage.’ Le roi s’impatientait : ‘Dois-je décider qui parlera en
premier ?’ L’envieux et l’avare répliquèrent ensemble : ‘Oui
sire !’ Le roi désigna l’envieux. Ce dernier s’assura : ‘Sire, vous
me confirmez que mon compère va recevoir le double de moi ?’ Le roi
répondit par l’affirmative. ‘Alors, répliqua l’envieux, je désire que l’on
m’arrache un œil’. Et Vincent concluait en disant : « Voyez comment
l’envie détruit soi-même et autrui ! »
L’actualité de ce vendredi nous a apporté son lot d’attentats terroristes
abominables, au Koweit, en Tunisie et en France. Pour ceux qui ont perpétré ces
attentats les slogans religieux ne sont brandis que pour justifier et auréoler
de gloire des motivations bien plus basses : « C’est par la jalousie
du diable que la mort est entrée dans le monde ». Le livre de la Genèse
auquel le sage auteur de cette maxime fait sans doute allusion nous raconte que
le « serpent était le plus rusé de tous les animaux ». Mais il y a un
jeu de mots car en hébreu rusé, ‘Arum, veut aussi dire : « nu ».
Le serpent était le plus nu. C’est un fait d’observation d’ailleurs, le serpent
n’a ni poil, ni plume et parfois il perd même jusqu’à sa peau. Il symbolise
donc celui qui n’a même pas l’être : le diable ou Satan. Je suis
toujours bien embêté lorsqu’on me demande si le diable existe parce qu’en toute
rigueur de terme il faudrait dire non. Mais en même temps il cherche tellement
à exister, il est tellement jaloux de tout qui existe, il fait tellement de
dégâts… que j’aurais tendance dire : « oui, il existe à cause de nous
tous qui le faisons exister lorsque nous prêtons l’oreille à sa rhétorique,
lorsque nous nous laissons contaminer par sa jalousie ! »
« Vous serez comme des dieux… à
vous prélasser, à commander des drinks sur le bord de la piscine, avec une armée
de domestiques à votre service ». « Comme des dieux… » Mais
quels dieux ? Quels sont les dieux qui vivent ainsi ? Ce sont les
dieux de l’Olympe, abreuvés de nectar et rassasiés d’ambroisie. Ce sont des
dieux violents et jaloux, très souvent jaloux des hommes eux-mêmes. Ce sont en
fait de faux dieux, des dieux qui n’existent pas, des dieux qui ressemblent en
fait au diable qui nous proposent d’être comme eux pour que nous devenions en
fait comme lui, c’est-à-dire « nus », vide, sans existence réelle… le
vrai Dieu lui n’est pas ainsi. Ce n’est pas le serpent qui nous le fait
connaître mais celui qui de « riche qu’il est, s’est fait pauvre à cause
de nous, pour que nous devenions riches par sa pauvreté ». Jésus nous fait
comprendre que le vrai Dieu n’est pas extérieur, il est intérieur.
Saint Augustin l’a compris tardivement : « Sero te amavi : Bien
tard, je t’ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard, je t’ai
aimée ! Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors… » (Confessions, livre X, ch. 27). Quand
comprendrons-nous que la réalité de la vie est intérieure ? Pas plus tard
qu’hier je recevais le témoignage d’une personne qui me racontait comment elle
s’était retrouvée dans un restaurant d’altitude à Courchevel – où le spaghetti
bolo est à 68€ – et rencontrant une personne de sa famille qui picolait sec
alors que l’après-midi était à peine entamée, lui demande pourquoi. Réponse:
« Si tu savais comme je me déteste d’être ici ! » Nous pouvons
être au paradis extérieurement et en enfer intérieurement. Et l’inverse est
possible aussi d’ailleurs… Alors comme l’intérieur est ce qui compte vraiment,
il faudrait au moins pouvoir envier l’intérieur. Je jalouse la vie intérieure
du P. Sébastien. Voilà une jalousie réaliste au moins, une jalousie qui porte
sur des biens réels !
Alors durant ces mois d’été, qu’allons-nous poursuivre, qu’allons-nous
rechercher ? Les charmes trompeurs de l’Olympe ou les vrais délices que
seul le vrai Dieu, celui qui nous a créé peut nous offrir en nous
recréant ? « Fecisti nos ad te Domine : tu nous as fait pour toi
Seigneur et notre cœur est inquiet jusqu’à ce qu’il repose en toi » (Confessions, livre I, ch. 1) dit encore
Saint Augustin. Après une année bien remplie, je souhaite à tous de pouvoir
goûter ce vrai repos ! |